SES

Quelques pages très utiles pour comprendre et naviguer sur ce blog

mercredi 25 décembre 2013

II





A bon entendeur, bis repetita ... 




Lassés nous sommes et nous resterons
Tant que ce monde insaisissable
Sera aux mains des insatiables
Pygmalions et fanfarons

Outrés nous sommes et demeurons
Devant les actes exécrables
La rhétorique détestable
De ces images de Néron

Nous sommes lassés et outrés
Mais dans la peur sommes vautrés
Nous sommes tous sous leur tutelle

Il suffirait de presque rien
D'un poing levé un beau matin
Quoi ! pas un seul ne se rebelle ?

Marcel Shagi


samedi 21 décembre 2013

Haïkus des feuilles volantes





Pour le solstice, passage à l'Hiver, voici quelques haïkus pour célébrer l'Automne qui nous laisse ... 




La feuille automnale
Comme amande sous la dent
Craque dans le vent


Dans les bois oranges
Notre dernier baiser
— Un frisson étrange —


Des bancs de l'école
Au dehors apercevoir
La neige qui vole.

Marcel Shagi

jeudi 19 décembre 2013

Lettres de Lisa - L'inconnu du pont des arts



Devant le succès certain des "Lettres de Nine", et parce qu'elles m'ont faite vibrer, voici une lettre, de moi cette fois. Beaudelaire chantait la Femme au milieu de la foule assourdissante qui hurlait autour de lui, je rends honneur à l'Homme sur le Pont des Arts. 
Ô toi que j'eusse aimé, Ô toi qui le savais !





          Bel inconnu,

Cela fait une demi-heure que je vous regarde pleurer. Quelle tristesse vous ravage au point de vous faire perdre la pudeur des larmes ? Je devine une garce qui est partie en emportant votre cœur. Quel dommage ! Un autre jour, dans une autre vie, nous aurions pu nous rencontrer.
Je la hais de tout mon cœur. D’abord par solidarité et parce que moi, j’aurais bien voulu vous aimer. Fatalement, inconditionnellement. Et je vous assure que j’aurais laissé votre cœur à sa place.
Imaginez ! Nous nous serions vus, ici, sur le pont des Arts. Vous m’auriez aimée tout de suite à travers vos yeux embués. Nos mains se seraient frôlées et vous auriez compris que votre peine ne servait que votre destinée : vous amener à moi. Et en un instant, comme par magie, le pont des Arts serait devenu le pont des Soupirs.
Mais malheureux, vous avez jeté toutes vos larmes dans la Seine. Il n’en reste pas une pour moi. Votre cœur est sec maintenant.
Je m’en vais et vous donne rendez-vous demain dans cette autre vie dans laquelle nous aurions su nous aimer.
J’emmène avec moi la vision de vos pleurs pour que votre peine soit moins lourde à porter.
Sachez bien, Monsieur l’Inconnu, que dans l’immensité de Paris, quelqu’un pense à vous et vous a aimé un instant.


L’inconnue du banc d’à-côté

mardi 10 décembre 2013

Paris




Provincial(e) vindicatif ? Déçu(e) de la capitale ? Méridional(e) militant(e) ? Quelqu'un vient de nous envoyer un poème intéressant à propos de Paris, ville de l'amour pour une fois décriée. Enjoy ... 



Paris, tumeur vivace fardée de dorures,
Paris, cancer galopant baignant dans sa saumure,
Paris, dont les enfants mendient dans le métro,
Paris, ville moderne et à la fois rétro ;

Paris, tu es un père célibataire,
Marseille est ton pendant féminin à côté de la mer,
Mais tu restes fermé à ses embruns iodés
Et deviens un patriarche aux principes galvaudés.

dimanche 1 décembre 2013

La Privation - première partie



Pour faire le lien entre 2013 et 2014, l'équipe du Sous Espace vous propose un petit roman feuilleton à cheval sur ces deux années. Il commence aujourd'hui, 1er décembre 2013 et continuera à être publié tous les 1ers du mois en 2014, jusqu'à sa fin. Plongez dans l'univers nébuleux d'une folle soirée dont les protagonistes se souviendront toute leur vie ...








La privation (1)


Chez Sofian, la fête entrait dans sa quarantième heure.
Sur le sol de la cuisine, Horace et David s’entraînaient à empiler des objets au hasard par-dessus une bouteille de champagne vide. Tout se compromit lorsqu’Andy entra dans le jeu et tenta de rajouter une chaussure à la semelle explosée. La pile tomba. Un bouquin de Michelet qui traînait par là écopa d’une rasade de chianti – un siècle et demi réduit en masse molle de papier trempé. De rage, David glissa la tête la première dans une casserole de spaghettis à la bolognaise froids.
Alexandra regardait tout cela avec anxiété : sa chaussure droite, une petite merveille à talon haut, s’était échouée près de la flaque de chianti. Son chemisier blanc était tout taché de whisky.
Les marins allongés dans le couloir cuvaient quelque chose, agitaient bras et jambes quand le besoin s’en faisait sentir. Plus loin, dans le salon, le centre névralgique des opérations, un groupe était assis en tailleur près des haut-parleurs, baffles blastant une petite centaine de watts, g-funk, tous bougeaient la tête comme le petit chien à l’arrière des voitures. Pouvoir énorme des battements de cœur.
Les autres s’éparpillaient au petit bonheur.
Quelques uns se réunissaient autour d’un petit livre dont on ne pouvait apercevoir le titre.
Des mots sourds et puissants volaient, sous-tendus par quelque chose de plus large et répétitif dans la conversation. Ils hurlaient pour se faire entendre. Je vais te manger par les symboles. Tous se piquaient d’écrire. Bien peu savaient lire vraiment. Prenons une grille, quelques traits en somme (l’un traçait alors sur une feuille de papier, le verso d’un truc moins important, une série de courbes et de lignes précises), appelons ça fonction des x, on en sélectionne quelques valeurs auxquelles on fait correspondre des lignes verticales, perpendiculaires à l’abscisse, vous voyez ? Un autre ajouta : comme les barreaux d’une prison. A peu de choses près. Mais il n’y a pas de risque que cela devienne un mur, si on prend des variables trop proches ? Non et c’est précisément cela l’intégration, répondait le maître de conférence. Un type, s’il peut prendre la taille qu’il veut, parviendra toujours à se glisser entre les barreaux. C’est le contraire de la différenciation. Sinon (et les variables de x changent) on a bien affaire à un mur et le type est dans la merde, mais c’est une autre histoire.
Dans une des chambres, un gars gueulait what’s up nigga ? à chaque fois que Sofian entrait dans la pièce. Et ils se tapaient dans le dos.
La distraction principale de Sofian, selon ses amis, consistait à harceler à l'infini ses adversaires.
Diego et Le Duke jouaient au poker en compagnie de deux étudiantes en économie. Les foulards qu’elles portaient leur donnaient un faux air de Grace Kelly. Grace Kelly en double, on the rocks. A demi allongées sur la moquette, les jambes repliées, elles ne voulaient pas douter de l’issue du tournoi – mais en l’espérant tout de même. L’une d’elles fumait une cigarette extra-fine. Une suave odeur de cannabis se déroulait dans l’atmosphère.