SES

Quelques pages très utiles pour comprendre et naviguer sur ce blog

samedi 25 décembre 2010

Humeur déversée





(C'est une exclusivité noëlistique. Il s'agit de vers. Oui vous avez bien entendu. Des vers, avec des rimes toussa. C'est dingue, je trouve. M'enfin, procédons.)



C’est un plein paysage comme en font les gitans
Les écorces des buis sont des violons qui pensent
L’automne et ses feuillages ont de fous pas de danse
Et le soleil rejoint son tombeau éclatant

Une si jeune fille aux ­allures frivoles
Vole puis s’envole et, jouissant de si beaux airs
- Que son teint blanc illustre de belle manière -
Taquine tout le temps sa jeunesse en paroles

Mais l’enfant ignorait qu'elle ne l'était plus
Sa conscience naquit, insidieuse et muette
Suivant les durs chemins, et perdant toute fête
Elle laissa mourir ses rêves décousus

Elenor

Bob, un jeune homme simple.

 Chers amis, lecteurs, âmes en peine, ou visiteurs égarés de la toile (les catégories ne sont pas exclusives les unes des autres), je vous souhaite un Joyeux Noël. 
Moi non plus je ne dérogerai pas à la tradition qui veut que l'on fasse un petit quelque chose pour Noël (et je laisse à Flightless le soin de disserter sur le caractère utile —ou non- et opportun d'une telle coutume). Voici donc mon modeste présent : un petit texte, dans le genre incipit, qui raconte la vie de Bob. 
En espérant que cela vous plaira et que l'on pourra y donner une suite ... 
  

- Bob ? Booob ? Où es-tu Bob ?

Anna cherchait son frère. Ni dans la cuisine, ni dans le salon ; pas de traces de lui dans sa chambre non plus. Pourtant Bob n’était pas du genre à passer inaperçu : un mètre quatre-vingt-sept de mâle bêtise ; une voix rauque à force d’être basse et qui faisait porter le moindre de ses chuchotements à dix mètres ; des converses «48 fillette», comme il aimait à le dire lui-même ; et une serpillère de cheveux d’ébène dont les folles boucles ne parvenaient pas à ternir l’azur de ses yeux opalins.
La jeune fille rongeait son frein. De deux ans son aînée, et manifestement résolue à rater son permis, Anna était tributaire de son frère pour se déplacer. Bob avait promis de la déposer en ville cet après-midi. Mais à quatorze heures trente, il n’était toujours pas là. Furieuse, elle sortit de l’appartement. La cigarette, la meilleure alliée des attentes indésirables, des temps morts à occuper. Arrivée sur le perron de l’immeuble, elle le vit. Il courrait à en perdre haleine dans sa direction. Au moins le placide jeune homme était-il conscient de son retard. Frustration fugace, bien vite éclipsée par la course du temps, Anna ne put même pas profiter de sa nicotine. A peine eut-il atteint le parking que le frère les fit rentrer dans sa vieille guimbarde avant de démarrer en trombe, direction le centre-ville.

jeudi 23 décembre 2010

On peut bien risquer d'y laisser sa plume




Chers lecteurs, bonsoir (ça fait bien longtemps qu’on ne vous avait pas choyés ainsi, hein ? Comme je vous comprends) !

Aujourd’hui est un grand jour (d'ailleurs, les jours rallongent. C'est tellement bien qu'il fallait qu'on partage ça, vous et moi. M'en voulez pas.) Vous en doutiez ? Vous pensiez qu’il serait minable comme les autres ? Que votre vie poursuivrait lentement le cours normal des choses, dans la morosité de chaque geste, sempiternellement insipide et rarement éclairée par le vif éclat du Sous-espace Sale (et du bidet de votre tante maniaque au fin fond de St Agrieuset sur Côte d’Estampe), embellissant votre visite chez notre bon vieux Mozilla à chaque fois que vous vous coulez dans ses recoins par pur ennui, parce que la simple idée de sortir a écorché votre âme d’intellectuel torturé, points d’interrogation ? Eeeh, oui, le sous-espace est un lieu de vie convivial qui accueille les âmes égarées sur la toile, comme il m’a recueillie moi, alors que je me battais fougueusement avec mes petits poings contre la réalité de la vie (en y ajoutant le bon lot de désillusions grotesques qu’elle apporte), et surtout contre mon blog, qui me fait des crises de jalousies insensées, et des scènes dites de « page blanche » tragiques. Il fallait que nous nous laissions respirer…

vendredi 17 décembre 2010

Triptyque, la réponse



Ainsi vient la réponse : le gouffre n'est pas le principe mais bien la fin. C'est en lui que s'abîment nos êtres et notre humanité lorsque ne subsistent plus en nous que le feu du désir et l'impérieux besoin de l'assouvir.



--- Lumière ---
Beauté blanche, virginale et sans fard ;
Eclats de sourires.
Il fond à la clarté de son regard,
Force du désir.

--- Transe ---
C’est l’heure de la transe.
Pour lui se brouillent ses sens.
Bien qu’aveugle dans sa démence,
De son être, elle perçoit l’essence.

--- Gouffre ---
Le gouffre sans fond dans lequel tu sombres,
Aspire ta vie, ravit ma conscience.
Un choc, un éclair, et tout n’est plus qu’ombre,
Ce rêve éveillé a trompé nos sens.

Marcel Shagi

vendredi 10 décembre 2010

Ainsi parlait De la Croix ...

Chuchotement indistinct, brouhaha incertain, dans les ténèbres on papote, on échange, on attend. Noir … Puis soudain, la lumière, zénithale. Elle pleut des projecteurs et rougeoie sur le rideau. Le brouillard bavard se lève et laisse place à un profond silence, un silence de mort, pour ainsi dire. Trois coups sont frappés, c’est le signal, la pièce peut commencer. Froufroutements du velours volant, il découvre dans sa fuite un bel intérieur, appartement haussmannien, très cossu. Quelques figurants, boniches, sages-femmes, parents, médecins et un personnage principal, Angèle. Celle-ci vient de naître. La liesse est sur tous les visages, la mise au monde s’est bien déroulée, il n’y a pas eu de complications. Le Baron De La Croix et sa femme sont heureux. Quelques répliques, de grands sourires, les acteurs enfilent leurs rôles comme des gants, ils leur vont à ravir.

Le Baron est un parvenu. Tout gentilhomme qu’il est, il n’a aucun talent, aucun mérite. Son plus grand acte de bravoure a été de se décrocher la mâchoire lors de sa naissance afin de pouvoir accueillir dans sa cavité buccale l’imposante cuiller en or massif que lui tendaient ses parents. Il naquit en 1865, héritier unique d’une grande et longue lignée de bourgeois. A vingt ans, son père, à la tête d’un véritable empire financier, décida qu’il était temps de le marier. Et quel meilleur parti qu’une bonne famille de la haute aristocratie française, elle-même sur le déclin depuis 1789 et plus que jamais en ces temps troubles de ministères opportunistes et ouvertement anticléricaux ? Les noces, pompeuses plus que somptueuses, furent célébrées en l’an de grâce 1885, alors que s’achevait la vague de réformes de l’école de la République. C’est ce jour là que le Baron acquit son titre, en épousant la sémillante Baronne De la Croix. Inodore, incolore, imberbe et flasque, le Baron était un gentil. Il se contentait de suivre, de loin, la manière dont ses conseillers géraient sa fortune et vivait de ses rentes, dans le plus simple luxe qui soit. C’est qu’avec le temps, sa cuiller avait accouché de tout un service de table, et du set de rechange encore ! Et dire que les radicaux, comme les communards avant eux, souhaitaient instaurer un impôt sur le revenu ! La perte des valeurs, soupirait-il parfois, sans jamais oser élever la voix de peur qu’on ne l’entende. Etre sans saveur, il n’était pas incommodant mais quelque peu bêta, il s’émerveillait facilement. C’est grâce à cela que lui et sa baronne de femme purent vivre en parfaite harmonie, s’aimant presque, mais pas entièrement –il ne fallait pas être inconvenant, les sentiments, c’est pour les pauvres.

vendredi 3 décembre 2010

Vieillerie




J'aimerais te raconter ma journée d'aujourd'hui.

Je me suis réveillée d'un vendredi soir sans fête. Il faisait un temps maussade. Quelques gouttes de pluie. Une température trop chaude pour être vivifiante, trop froide pour être agréable. Aucune activité à l'horizon, encore. Cette journée ne laissait présager qu'un samedi ennuyeux.
Alors on a roulé, roulé, ne sachant où on allait. Peu à peu le soleil fit son apparition, la nature, le ciel, un vrai paysage d'automne. On s'est d'abord arrêtés à un jardin , déjà heureux de trouver un petit coin sauvage. Après dix minutes de ballade nous voulûmes aller plus loin: cette virée nous réservait peut-être d'autres surprises.
On s'est perdus, on a traversé des villages vignobles, agricoles, déjà enchantés par leur charme pittoresque. Et puis, il fut 17H. A 17h, le 7 novembre 2009, on a pris la direction d'un village, le village "Campagne", juste à cause de son nom. Et sur le chemin les quelques rayons de soleil fades se gorgèrent doucement de leur nectar, comme si les dieux arrosaient le paysage d'or et de miel. Tout était transcendé: les couleurs d'automne prenaient enfin leur pleine dimension, leur pleine Beauté. Là, un chemin de cailloux montait sur la colline, elle surplombait les kilomètres que nous venions de parcourir. On descend en toute hâte de la voiture une fois arrivés au sommet pour se nourrir le plus possible de cette découverte inespérée. Vite! Je ne veux pas laisser échapper la moindre pièce de ce trésor. Le soleil nous caresse le visage. Il filtre à travers les feuilles, doux et pourtant plus doré que jamais. Un festival de couleurs. La nature s'est déguisée. La voici en Carnaval. Bleu, Vert, Orange, Rouge, tout se mélange en un spectacle unique. Éclatantes, elles forment, réunies, une harmonie parfaite dont l'osmose révèle toute leur essence. Un paysage complet et - justement - si pur. Le moindre détail nous enthousiasme, nos sens sont saturés. Tout se mélange: transis, on est ravis dans l'instant, notre tête en tourne presque, étourdis par toutes ces émotions fortes. Que nous arrive-t-il? On a déjà vu de ces paysages d'automne. Pourquoi fait-il tant d'effet? On regarde, regarde, regarde encore. L'extase visuelle ne passe pas, ne nous lasse pas; on pourrait contempler tout cela encore mille ans.

On ferme les yeux.

Tout est parti. Que s'est-il passé? Un rêve? Une hallucination? Nous rentrons avec une déception d'enfant. Toutes ces sensations ne résonnent en nous que d'un faible écho désormais. Quand est-ce que cette Beauté enivrante a-t-elle commencé à partir? Comment aurais-je pu la retenir? Cet instant me laisse une trace indélébile même si ce n'est qu'un Ersatz de ce fabuleux tableau. Est-ce que je revivrai un pareil moment? Je sais que je verrai d'autres paysages, qu'ils seront beaux, que ce seront des moments de joie. Mais l'innocence, la pureté, la découverte, l'intensité que j'avais aujourd'hui je ne l'aurai plus. Et je sais que ces éléments ont largement participé à la Beauté de cette journée.
Nous voici désormais sur le chemin du retour. Le quotidien reprend sa place. Sa fadeur aussi. Quoiqu'un peu plus amère. La même route montpellieraine, le train-train habituel. Et dire qu'il a suffit d'une poignée de kilomètres pour nous évader. Qui aurait cru que cette journée, cette région, cette ballade, ce petit chemin de graviers, nous offriraient tant?