"Le souvenir du bonheur n'est plus du bonheur ;
le souvenir de la douleur est de la douleur encore."
Byron
Oui, mais !
Le souvenir du bonheur, ça peut causer la douleur, non passée, mais bien présente celle-ci. Mellon Collie and the infinite sadness, le souvenir heureux, s'il n'est pas gentiment prisonnier des geôles du temps, s'invite à notre table aujourd'hui comme les esprits qui visitent ce pauvre Scrooge. Car même si ce souvenir, vieux, poussiéreux, jauni et corné par les sables du temps, n’est plus du bonheur, il nous met face à notre situation, et nous renvoie dos à dos, notre vie et nous. Quid si le passé est plus lumineux qu’aujourd’hui ? Un Oedipe mal résolu, un âge d’or non enterré, une dent de lait retrouvée après tant d’années, une personne que l’on croise vingt ans plus tard, etc... Autant de choses qui peuvent provoquer en nous une nausée nostalgique ou de mélancoliques insomnies. Car dans ce cas là, ce n’est pas le souvenir de la douleur qui est douleur —encore-, mais la finitude de son antinomie : le bonheur. Parce qu’il est fini, révolu, et parce qu’on en a —tristement- conscience, le souvenir heureux est un détestable point de comparaison avec notre époque, notre présent, notre personne.
Que sont devenus nos rêves ? Comment la félicité a-t-elle pu prendre la clé des champs ? Cela s’est-il passé un beau matin ? Tout à coup, en ouvrant les volets, elle s’était envolée ? Ou alors s’est-elle consumée d’avoir été aimée avec trop de prévenance et de parcimonie ? Que sont devenus nos espoirs ? Où sont passés nos idéaux ? Et nos cheveux (version masculine de l’impersonnel du texte) ? Et notre taille de guêpe (version féminine de l’impersonnel du texte*) ?