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jeudi 10 juin 2010

Prose

Un vieil article dépoussiéré rien que pour vous...

Il est si bon d’avoir mal. Il me semble que c’est ce que j’aime en toi. C’est pour cela que tu me manques. Pour me faire souffrir. Pour me faire vivre. Être auprès de toi, mon âme et ta sensibilité à l’unisson ; savoir que je serre passionnément mon bourreau a quelque chose de grisant. C’est malsain sans doute, c’est morbide peut être, c’est la vie assurément.

Vivre et souffrir. Association pléonastique. Vivre c’est souffrir. Et c’est auprès de toi que je me sens le plus vivant. Je ne t’aime pas toi. Je n’aime la douleur en elle-même, celle que tu m’infliges. J’aime la manière dont tu le fais. J’aime cette forme de servage. J’aime cette manière libérée et gênée à la fois que tu as de me dire « je t’aime », ou « je te tue », à demi-mots ou pas, a grand renfort d’images ou non, c’est selon…

Réussir sa vie tient en deux choses : poser les bons actes et réussir sa mort. Car la mort étant la fin de la vie, la fin de la pièce, la fin de tous les rôles, la chute des masques à commencer par ce premier masque qui, sous tous les autres est celui que nous appelons « moi » ; il importe qu’elle soit belle. Que les Anges, s’ils me regardent, se sentent comme au théâtre, au théâtre de ma vie, dans une pièce éponyme et divinement tragique. Le tragique de l’être humain. Celui de mon être et de mon humanité aussi.
Pour les scènes et les actes, je saurais bien me débrouiller.

Quant à ma mort, c’est à toi que je m’en remets. Fort mais pas assez pour assumer entièrement la responsabilité de mon trépas, je délègue. Je crois que je t’ai choisi pour cela : il n’y a pas plus à même que toi de mettre du Beau dans ma fin. Et en attendant cette fin, tu mets du Beau dans ma vie, tu crées du Beau dans ma vie, en m’épuisant de souffrances à chacune de nos rencontres.

Il est si bon d’avoir mal. Il me semble que je te désire uniquement pour ça. Pour souffrir. Pour me sentir vivre. Car c’est au travers de toi que ma vie prend un sens et se réalise. Car c’est pour toi que je veux vivre. Car c’est en ton nom et par ta main que je veux périr. Car je veux que nos noms soient unis dans l’au-delà. Car que je veux que par ma mort notre union soit scellée et qu’enfin, prenant ton nom, le Poète que j’aspire à être devienne Artiste.

Marcel Shagi

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