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Quelques pages très utiles pour comprendre et naviguer sur ce blog

vendredi 24 mai 2013

Insomnia ma chérie



Quand Morphée se fait désirer et que la nuit semble infinie, le flot de nos pensées coule dru. Il nous emmène partout, sauf au pays des songes, et nous laisse pantelant, à moitié endormi, sans jamais nous offrir le repos. Chroniques insomniaques ...  



Je n’peux pas dormir ! Je pense trop, j’y pense vraiment trop à vraiment toutes ces petites choses ! Arrêter de penser, respirer profondément. Mais ça continue de pétiller : ça monte et ça descend, ça « blop » comme une bulle, ça « fizz » comme du champagne et ça « bzz » comme la télé couleur lorsqu’on l’éteint, enfin. En fermant les yeux il y a des poissons, des torchons, du savon, par gros paquets. Si l’on essayait de les compter, ils formeraient sûrement une boule dure, juste pour que l'on se trompe. Et ce voisin qui écoute la radio à deux heures du matin... J'entends presque les jingles. Ah ces vieux!
Bon reprenons : des pétards de beu, l’attente d'un message clair, des draps bien froissés... Et ton corps est là, le sexe joliment dessiné par des reliefs ombragés. J’ai besoin d’chauffage et d’un flacon de peinture, pourquoi pas du bleu? Du doré c’est mieux? Tourne ce visage, je veux le peindre, m’abandonner, sur ce vert, comme le rivage. Sur ce rivage, il y a mille ans, les hommes et les femmes dansaient et faisaient l’amour entre les dunes. La joie coulait dans la brise, caressant les corps emmêlés, les mains fiévreuses, les pieds plantés dans le sable, les ventres possédés, et cette vierge qui s’essoufflait...
Le voisin passe enfin la porte… et le bruit a cessé ! Doucement tu me portes loin du lit salé, salé par nos sueurs. J'imagine: une plage caressée de nuages. Elle est vide cette fois, mais c'est toujours la nuit. A l'horizon, des perles de clarté se distinguent dans un étalé plus clair. C’est une petite ville, de l’autre côté. Il fait froid mais c'est si beau. Je n'aurai plus froid si je me mets à compter les grains de sable. Mes visions s’endorment.

Se produit le basculement. Je suis seule dans une pièce et voilà que je plie ta cravate. Je la plie, la déplie, la replie, la pâlis, la salis, la délie, l’embellis. Elle se moque soudain et rit à brèche déployée. D'un air narquois, elle se concentre pour former un beau nœud central- ventral. Mon pied peu marin ne m’aidant donc en rien, je décide de l’écraser de mon pied soyeux. 
— « Un pied peut-il donc briller ?, dit-elle depuis là d’ssous. Je lui donne prestement en plus un ou deux coups.  Salissais-je ? Bougonnais-je ? T’ennuyais-je ? Pourquoi veux-tu m’écraser ? 
— La question n’est point pourquoi mais comment ».
Paf ! Voilà la cravate enfin roulée, foulée, tuée, qui passe par la fenêtre. Je reprends à demi conscience. Me revoilà dans mes questions, démonstrations, calculations. Ce mot n’existe pas ? Qu’on lui coupe la tête. Des équations, des comparaisons, des combinaisons : il faut arrêter. Donne-moi du sable, du sable bleu, du sable blanc. Encore un peu. Encore un peu. Quelques grains… Encore un…


jeudi 16 mai 2013

La graine et le grain de sable



J'ai souvent soupiré après d'urbaines inconnues, croisées ça et là, et jamais abordées. Le drame d'un regard, d'une rencontre, entre deux êtres que tout oppose et qui pourtant se sentent transir dès la première seconde ; voilà un beau topos ! Cent fois chanté, mille fois scandé, il ne laisse pourtant jamais de nous surprendre, et de nous toucher.
A une passante ...



La graine et le grain de sable


Fleur en bouton, je suis une étamine qui se balance
Au bout de ma tige, je m'étire et puis m'élance ;
La brise me porte, m'élève jusqu'aux nues ;
La bise m'emporte et me met à nu.

Flétrie par un vent besogneux,
Je suis trahie par le Zéphyr envieux.
Je volète un instant — dans l'azur je me noie —
Et puis je fonds, tel l'oiseau sur sa proie.

Sur la plage lasse, je crisse et m'encroûte.
Je suis un grain de sable que le ressac écoute.
Je lui conte comment, pendant plus de mil ans,
Ces mères les vagues sont arrivées céans.

J'ai vu toutes les mers,
Et l'écume des orages amers ; 
Par cent fois j'ai aimé la marée
Mais toujours à ma plage suis resté amarré.

— Au secours, au secours ! 
Le temps suspend son cours.
— D'où provient cet appel ?
Il entend la voix frêle.

Là haut, dans les cieux, une dame en détresse ! 
Météore gracieux, filant à toute vitesse ; 
Lueur dans la nuit qui éclaire le marin,
Le phare d'Alexandrie du minéral salin.

Sa chute est guidée par la main des Dieux.
Sa vive complainte est un chant d'adieu ;
Un air émouvant dont les notes coulantes,
Evoquent malgré elles des amours brûlantes.

Jeune pissenlit,
A peine sorti du lit
De ta mère la fleur, 
Voici que tu pleures.

Et tes larmes, qui dans les airs s'envolent,
Sont autant d'astres ; des soleils de diamant,
Qui éclairent tout soudain le conteur hébété.
Il regarde ta chute mais ne peut l'arrêter.

Dans la crique, l'étamine vient de s'abîmer.
Et le sable, dont le coeur s'est soudain animé
A cessé de narrer des légendes à la houle.
— Silence sonore de ses larmes qui coulent —

L'amour est orphelin et vomit la logique,
Tout comme le chagrin, son comparse tragique ; 
Et le grain de sable ne comprend pas
Qu'il a aimé comme on n'aime qu'une fois.

Marcel Shagi

mercredi 8 mai 2013

Balade au bord du soir




Même le soir venu la quiétude se paie cher, il la faut aller chercher dans les recoins et les bulles, dans un monde magique dont le temps est élastique ... 





Balade au bord du soir.


  Des groupes d'anonymes s'attroupent ici et là,
Les moteurs en sourdine jouent le rôle du ressac
Sur ce pont engourdit c'est l'ennui désolé
En dessous en ceci peu de mouvement se crée.

  Là des ombres seulement opèrent un va-et-vient
Des gambettes qui se traînent à la recherche de rien
L'on ne peut donc lutter contre ces nuits maussades
Où l'esprit noir se perd en pensées molles et fades.

  Au détour de coins sombres je trouve l'endroit parfait
Des tables de pénombre sans une bulle allumée
Pas un chat ni un rat ne viendrait divertir
Le vide de cet instant qui s'étire qui s'étire.

mercredi 1 mai 2013

J'attends une femme qui se fait désirer



J'ai découvert récemment une forme fixe intéressante : le triolet. Il s'agit d'un poème en huit vers, en rimes alternées. La particularité du triolet est que les deux premiers vers se répètent à la fin, et que le vers qui introduit le poème se retrouve aussi en troisième position. 
En bref : A B a' A a" b' A B.  




J'attends une femme qui se fait désirer
Elle sait que je l'aime, et se joue de mon coeur
Elle est la sirène qui m'a fait chavirer
J'attends une femme qui se fait désirer
Farouche est la haine qu'elle m'a inspirée
Mon âme est en peine, entre amour et rancoeur
J'attends une femme qui se fait désirer
Elle sait que je l'aime, et se joue de mon coeur

Marcel Shagi