SES

Quelques pages très utiles pour comprendre et naviguer sur ce blog

lundi 25 octobre 2010

Igor, Sagan et l'expression artistique



Quelle ne fut pas ma surprise quand, il y a quelques jours de cela, j'ai trouvé dans ma boite mail un texte bien singulier. Aucun mot, aucune requête, juste quelques lignes consacrées à Igor et à Sagan. Alors, sans plus de formalités, je vous livre cette contribution anonyme ...

Marcel Shagi

~~~

Igor, Sagan et l'expression artistique.

Elle était belle, assise dans un fauteuil couleur taupe, chandail rouge posé sur ses petites épaules. Elle avait un regard triste, avec des larmes qui ne coulent pas, comme pour exprimer qu'il lui était totalement indifférent que les autres aient une quelconque compassion. Sa tristesse lui appartenait pleinement et elle en était la seule gardienne : « Sur ce sentiment inconnu dont l'ennui, la douceur m'obsède, j'hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse ».

Elle avait inscrit ces mots sur un bout de papier blanc et ainsi Françoise avait transformé la vie d'Igor. Il le savait, cette phrase lui resterait à vie, c'était la première à avoir touché son âme de jeune homme, celle qui l'avait élevé vers le pouvoir des des lettres qui se fondent sur le papier d'une manière si douce et si puissante qu'elles vous prennent au coeur pour ne plus jamais vous lâcher. Cette petite musique, comme certains appelaient le style Sagan donnait un tempo inouï à l'existence de ce cher Monsieur. La seule pensée qu'ils avaient coexisté sur terre pendant un temps lui procurait un bonheur et une satisfaction peu courantes, l'idée même qu'un autre être avait pu écrire de telles choses lui offrait la plus haute opinion de la nature humaine. « La Sagan » était sa plus grande rencontre parce qu'il s'était reconnu dans cette tristesse infinie, ce petit monstre qui paraissait si heureux, cachant magnifiquement un mal-être ancré dans sa chair.

Igor avait été bouleversée par les écrits de Sagan sur l'art, et particulièrement le sien, l'écriture. Madame Sagan avait vécu cette rencontre amoureuse la boule au ventre, dompter les mots et l'imaginaire n'était pas chose facile. Igor se retrouvait dans la même situation face à des pinceaux qui ne désiraient pas toujours lui apporter quelque chose de pertinent et s'efforçaient le plus souvent de l'orienter vers le doute. Mais être rassurant n'était pas le rôle de l'art et Igor le savait bien, il avait accepté le pari de l'échec. Un point de couleur dans un tableau aux tons sombres pouvait tout transformer, passage d'une banale représentation de la douleur, au charme de l'incompréhension, du subtile, de la sublimation. La phrase qui commence « Bonjour tristesse » était le symbole même de cette sublimation de l'âme humaine qui fait de certains des artistes. Il avait l'impression de connaître ce bout de femme mais il savait bien, qu'au fond, il ne connaissait que l'image transmise par le cinéma, l'auteur qui faisait transparaître des parts de son être dans ses livres. Cette pensée était douloureuse pour Igor, il avait alors l'impression de se perdre, d'être totalement abandonné dans une existence vide de sens.

Ce qui le rassurait était donc ce rapport à l'art qu'ils partageaient. Sans proximité avec la femme, il connaissait bien l'artiste, celle qui crée sans raisons apparentes, mais pour qui créer est un besoin, pilier d'une existence qui vogue au gré des lettres déposées sur le papier. L'existence de Igor voguait, elle, au gré des coups de pinceaux qui atteignaient la toile et mettaient chaque jour une pierre de plus à l'édifice que constituerait son oeuvre. L'apparence n'était pas plus importante en peinture que dans l'écriture, ce qui faisait la réussite d'une toile, était, selon Igor, sa justesse et sa vérité aux yeux de celui qui la regarde. Une toile réussie évoque, touche l'imaginaire de plein fouet, transmet des idées nouvelles à l'intelligence, aborde le monde d'une manière vraie au regard d'un homme qui utilise toutes ses facultés pour entrevoir une autre réalité. Igor avait le sentiment que « La Sagan » avait traduit tout ce qu'il avait entrevu mais jamais exprimé en raison de son jeune âge. Il savait que si ces mots n'avaient pas été posés dans cet ordre, ces phrases enchaînées au rythme de cette petite musique bourgeoise, il l'aurait traduit à sa façon, points de couleurs après points de couleur, toiles après toiles, dans sa chaire, comme Sagan l'avait décidé avant lui.


Anonyme.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Pour tout encouragement, message de soutien, toute réclamation ou insulte, c est ici !