La belle matineuse est un poncif littéraire
qui remonte à la Renaissance italienne, où Rinieri le premier éleva la femme
aimée à la hauteur du Soleil. En essence, il consiste en la confrontation, au
lever du jour, de l'Aurore et d'une femme - celle que le poète adore et encense
- dont l'insigne beauté éclipse le jour levant.
Voici le poème de Rinieri (traduit) ainsi que quelques variations de poètes français sur ce thème :
(Et pour plus d'infos, vous pouvez aller à la source de ce propos)
La mer était paisible; les forêts et les
prés découvraient au ciel leurs fastes, fleurs et frondaisons, et déjà la nuit
déchirait son voile, et éperonnait ses sombres chevaux ailés.
L'aurore faisait tomber de ses cheveux
dorés des perles d'un éclat vif et glacé, et déjà le Dieu qui naquit à Délos
lançait ses rayons depuis les rives parfumées et précieuses de l'Orient;
Quand d'Occident un soleil plus beau se
leva, illuminant la face du jour et faisant pâlir l'image du Levant.
Étoiles lumineuses, si rapides, éternelles
et solitaires, dans la paix où vous êtes le beau visage que j'adore parut alors
plus brillant et plus gracieux que vous.
Antonio Rinieri
***
Déjà la nuit en son parc amassait
Un grand troupeau d'étoiles vagabondes,
Et, pour entrer aux cavernes profondes,
Fuyant le jour, ses noirs chevaux
chassait ;
Déjà le ciel aux Indes rougissait,
Et l'aube encor de ses tresses tant blondes
Faisant grêler mille perlettes rondes,
De ses trésors les prés enrichissait :
Quand d'occident, comme une étoile vive,
Je vis sortir dessus ta verte rive,
O fleuve mien ! une nymphe en riant.
Alors, voyant cette nouvelle Aurore,
Le jour honteux d'un double teint colore
Et l'Angevin et l'indique orient.
Du Bellay, L'Olive, sonnet LXXXIII (1550)
***
De ses cheveux la roussoyante Aurore
Éparsement les Indes remplissait,
Et jà le ciel à longs traits rougissait
De maint émail qui le matin décore,
Quand elle vit la Nymphe que j’adore
Tresser son chef, dont l’or, qui
jaunissait,
Le crêpe honneur du sien éblouissait,
Voire elle-même et tout le ciel encore.
Lors ses cheveux vergogneuse arracha,
Si qu’en pleurant sa face elle cacha,
Tant la beauté des beautés lui ennuie :
Et ses soupirs parmi l’air se suivants,
Trois jours entiers enfantèrent des vents,
Sa honte un feu, et ses yeux une pluie.
Ronsard, Amours, sonnet
XCV (1552-1553)
***
Quand je te vis entre un millier de Dames,
L'elite et fleur des nobles, et plus
belles,
Ta resplendeur telle estoyt parmy elles,
Quelle est Venus sur les celestes flames.
Amour adonq' se vangea de mille ames
Qui luy avoyent jadis esté rebelles,
Telles tes yeux eurent leurs estincelles
Par qui les cueurs d'un chacun tu enflames.
Phebus, jaloux de ta lumiere sainte,
Couvrit le ciel d'un tenebreux nuage,
Mais l'air, maugré sa clarté toute
estainte,
Fut plus serain autour de ton visage.
Adonq' le dieu d'une rage contreinte
Versa de pleurs un large marescage.
J.A. de Baïf, Les Amours
de Méline (1552)
***
Des portes du matin l'Amante de
Céphale
Ses roses épandait dans le milieu des
airs
Et jetait sur les Cieux nouvellement
ouverts
Ses traits d'or et d'azur qu'en naissant
elle étale
Quand la nymphe divine à mon repos
fatale
Apparut, et brilla de tant d'attraits
divers
Qu'il semblait qu'elle seule éclairait
l'univers
Et remplissait de feux la rive orientale.
Le Soleil se hâtant pour la gloire des
Cieux,
Vint opposer sa flamme à l'éclat de ses
yeux
Et prit tous les rayons dont l'Olympe se
dore.
L'onde, la terre, et l'air s'allumaient à
l'entour.
Mais auprès de Philis on le prit pour
l'Aurore
Et l'on crut que Philis était l'astre du
jour.
Vincent Voiture
***
Le silence régnait sur la terre et sur
l'onde,
L'air devenait serein et l'Olympe
vermeil,
Et l'amoureux Zéphire affranchi du
sommeil
Ressuscitait les fleurs d'une haleine
féconde.
L'Aurore déployait l'or de sa tresse
blonde,
Et semait de rubis le chemin du Soleil
;
Enfin ce dieu venait au plus grand
appareil
Qu'il soit jamais venu pour éclairer le
monde,
Quand la jeune Philis au visage
riant,
Sortant de son palais plus clair que
l'Orient,
Fit voir une lumière et plus vive et plus
belle.
Sacré flambeau du jour n'en soyez pas
jaloux !
Vous parûtes alors aussi peu devant
elle
Que les feux de la nuit avaient fait devant
vous.
Claude de Malleville
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